Bleu de nos rêves

© Gérard Gallego, janvier 2011

En tant que metteur en scène, je sais que le contenu de chaque représentation du « bleu de nos rêves » sera unique. En effet, impossible ici de respecter l’un des principes constitutifs du théâtre : l’art de la répétition. Les personnes en situation de handicap mental ou psychique ne fabriquent rien avec le temps... Ici peu de passé ni de futur tangible, elles sont dans l’urgence de l’instant présent… Elles ne peuvent qu’utiliser avec parcimonie les codes usuels que met en jeu le théâtre : la mémoire, la coordination corporelle, la concentration, les techniques de respiration etc. Les personnes handicapées mentales ou psychiques naviguent aux grès de leurs intuitions, habilement entre jeux et réalité, maniant parfois avec une certaine lucidité, la supercherie théâtrale, en se foutant royalement du temps qu’il fait, qu’ils font.. Comme Corrine, qui m’a expliqué ‘ Qu’on est tous diffèrent mais que elle était vraiment différente car elle était née pas comme tout le monde, ces parents l’on fait à l’envers...les pieds devant...

Le texte du spectacle est constitué de ce qu’ils m’ont confié à propos de leur vie quotidienne, ponctué de souvenirs éparses, comme une mosaïque multicolore. Ils ont flirté entre joies et angoisses sur des thèmes aussi variés que la différence, la liberté, la sexualité. Pour moi, les comédiens et les travailleurs sociaux qui jouent dans le spectacle, c’est une prise de risques troublante car il a fallut reconstituer le puzzle des mots et d’expressions exprimées par chacun et source de surprises improvisées permanentes.

Pendant les « répétitions », les comédiens communiquent avec un autre langage, d’autres signes et partagent paradoxalement une langue unique et décalée pleine de poésie, qui nous échappe partiellement car étrangère à nos codes et convenances. La puissance des émotions ressenties questionne simplement sur ce qui est « normal » ou ce qui « n’est pas normal ».

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