Théâtre à caractère éducatif et social

© Malika Morgensen, enseignante, septembre 2007

La vidéo du spectacle avec des jeunes gens "en errance" « un bateau pour l’Europe » m’a bien émue.

Ce qui s’y passe au niveau humain est puissant… ta démarche va tellement à l’essentiel, je ne sais pas ce que nous pourrions faire dans nos vies qui ait plus de sens !...

Parce que nous sommes tellement dans une culture qui massivement divise, oppose, isole, compartimente, hiérarchise, enferme, aliène,…déprécie, élimine, jette...

Tes projets font exactement le contraire. Ils montrent combien la création artistique commune – surtout pour des non-professionnels - est l’un des moyens les plus puissants pour découvrir et vivre une autre humanité, plus rayonnante, plus ouverte, désarmée, vulnérable, aimante et unie...

Ce que je trouve sublime, c’est que le théâtre travaille l’Etre. C’est peut-être « impalpable », comme tu disais, mais c’est ce qu’il y a de plus précieux.

Je suis, une fois de plus, fascinée de voir comme le théâtre peut réussir là où l’école a échoué : pour la confiance en soi et en l’autre, la capacité à se concentrer, à prendre la parole, pour l’ouverture, la créativité, l’entraide...

C’est évident dans « un bateau pour l’Europe » où les jeunes ont, au fil du travail, restauré l’image négative qu’ils avaient d’eux-mêmes.

Je crois que tu leur as fait le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un être pour l’aider à se (re)construire, c’est à dire : la possibilité de faire don de soi, du meilleur de soi, un don d’amour.

Sentir (et prendre conscience) que l’on a en soi quelque chose qui peut résonner chez les autres, leur donner du plaisir et des émotions, qui peut être reçu, cela pulvérise toutes les barrières et donne immédiatement le sentiment d’être bon, d’être aimé, et d’appartenir à la grande communauté Humaine, de faire un avec tous.

Du coup, le monde s’ouvre, plus vaste, moins hostile, on sait désormais qu’il recèle de cadeaux insoupçonnés… Quoi de plus fort que ces jeunes qui se sentent changés, plus grands et plus libres, après l’expérience de la pièce, et qui ne veulent pas retomber dans l’aliénation, le confinement de leur quotidien. Ils portent désormais en eux le goût et la soif de ce bonheur...

Cette soif, c’est ça le trésor.

Et puis il y a quelque chose de bouleversant, qui résonne en chacun de nous, lorsqu’un humain grandit, et accède à une plus grande richesse ou liberté intérieure.

Pour ces jeunes ou les détenus, comme pour chacun de nous, l’expérience de libération intime vécue au théâtre constitue une mémoire heureuse, un trésor, une lueur… qui - on ne sait jamais - peut, par la suite, donner la force d’affronter différemment les épreuves, voire de faire dévier le cours de notre destinée... car la liberté en fin de compte, se situe à l’intérieur.

Cette mémoire inscrite dans le cœur, personne ne peut la prendre. C’est ce qu’il y a de plus impalpable et de plus réel à la fois. C’est ce qui permet, un jour, de faire à son tour un don d’amour et ça c’est le plus grand bonheur que je connaisse.

J’ai trouvé très beau et très juste ce que tu as dit aux détenus au moment de vous quitter, après la représentation : que ce qui compte en définitive, c’est ce que l’on a vécu / élaboré ensemble et qui reste, à l’intérieur de nous, comme une richesse… c’est ce qui nous relie malgré l’absence.

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